La traduction sans commune mesure
Version
Published
Date Issued
2021-10-01
Author(s)
Type
Article
Language
French
Abstract
Version bilingue, modifiée et élargie de l'article " La traduction sans commune mesure " publié dans Xi Dong/Ouest-Est Voies esthétiques, sous la direction de François Félix, L'Age d'homme, Lausanne, 2015.
Je suis habitué à écrire des textes, mais rien ne m’a préparé à écrire un original. En 2012, François Félix préparait un dossier pour l’Académie des sciences sociales de Chine à Beijing consacré à « l’état contemporain de l’esthétique en Suisse et les recherches suisses contemporaines en esthétique ». C’est dans le contexte de ce projet qu’il m’a invité à proposer un article sur l’esthétique de la traduction, article publié en chinois dans un volume intitulé 瑞士当代美学和诗学研究. La publication première du texte allait ainsi être sa traduction, et ce n’est que dans un second temps qu’allait paraître la version originale française (François Félix [éd.], Xi Dong – Voies esthétiques, L’Âge d’homme, Lausanne, 2015). C’est par cette non-coïncidence entre ma langue d’écriture et la langue de la publication que c’est ouverte à moi l’expérience singulière d’écrire un original : aucun des signes que j’inscrirai n’allait être lu par celle ou celui à qui je m’adressais, et réciproquement, le texte qu’elles ou ils liront demeurera pour moi illisible. Ecrire les signes qui, à traduire, ne seront pas lus, déchiffrer ses signes traduits qu’on n’a pas écrits. De fait, cette bizarrerie n’est que l’ordinaire de ce que fait la traduction. Et elle m’apparait encore comme son plus beau miracle : que dans un lâcher-prise informulable entre les langues, dans une soustraction mutuelle entre toi et moi, entre là-bas et ici, se produise la rencontre. Maintenant, grâce à Kate Briggs, le texte s’est découvert une nouvelle écriture et une nouvelle langue et il est retourné à son mystère initial. Les signes se sont à nouveau, enfin, décollés de leur inscription, ont retrouvé un flottement incomparable. Et là, écoute, regarde, d’autres poissons se taisent, d’autres vers habitent leurs pommes, d’autres voyageurs sondent d’autres nuits et, entre nous, chantent encore.
Je suis habitué à écrire des textes, mais rien ne m’a préparé à écrire un original. En 2012, François Félix préparait un dossier pour l’Académie des sciences sociales de Chine à Beijing consacré à « l’état contemporain de l’esthétique en Suisse et les recherches suisses contemporaines en esthétique ». C’est dans le contexte de ce projet qu’il m’a invité à proposer un article sur l’esthétique de la traduction, article publié en chinois dans un volume intitulé 瑞士当代美学和诗学研究. La publication première du texte allait ainsi être sa traduction, et ce n’est que dans un second temps qu’allait paraître la version originale française (François Félix [éd.], Xi Dong – Voies esthétiques, L’Âge d’homme, Lausanne, 2015). C’est par cette non-coïncidence entre ma langue d’écriture et la langue de la publication que c’est ouverte à moi l’expérience singulière d’écrire un original : aucun des signes que j’inscrirai n’allait être lu par celle ou celui à qui je m’adressais, et réciproquement, le texte qu’elles ou ils liront demeurera pour moi illisible. Ecrire les signes qui, à traduire, ne seront pas lus, déchiffrer ses signes traduits qu’on n’a pas écrits. De fait, cette bizarrerie n’est que l’ordinaire de ce que fait la traduction. Et elle m’apparait encore comme son plus beau miracle : que dans un lâcher-prise informulable entre les langues, dans une soustraction mutuelle entre toi et moi, entre là-bas et ici, se produise la rencontre. Maintenant, grâce à Kate Briggs, le texte s’est découvert une nouvelle écriture et une nouvelle langue et il est retourné à son mystère initial. Les signes se sont à nouveau, enfin, décollés de leur inscription, ont retrouvé un flottement incomparable. Et là, écoute, regarde, d’autres poissons se taisent, d’autres vers habitent leurs pommes, d’autres voyageurs sondent d’autres nuits et, entre nous, chantent encore.
Subjects
B Philosophy (General)
PB Modern European Languages
PQ Romance literatures
PS American literature
PT Germanic literature
Journal
Specimen. The Babel Review of Translations
Submitter
RenkenA
Citation apa
Renken, A. (2021). La traduction sans commune mesure. In Specimen. The Babel Review of Translations. https://doi.org/10.24451/arbor.15780
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